J’ai peur de ne pas avoir peur

Dernière mise à jour le 12/08/2024

Bande de Flippés, c’est notre podcast en partenariat avec myRHline.

Dans cet épisode :

Vous pouvez l’écouter, ou simplement lire la transcription ci-dessous.

Bouh !


À retenir de cet épisode

  • Enzo a été façonné par une éducation mêlant dureté et affection, influencée par une famille d’entrepreneurs.
  • Son parcours professionnel diversifié lui a permis de trouver son ikigaï, ce qui l’a conduit à voir les défis comme des opportunités.
  • L’absence de peur dans le monde professionnel provient d’une solide préparation et d’une vision claire des risques et opportunités.
  • Le risque doit être évalué et minimisé, mais il est crucial de passer à l’action malgré l’incertitude.
  • La préparation et la stratégie permettent de réduire les risques, comme le fait de préparer son entreprise tout en conservant un emploi stable.
  • La procrastination rend les choses plus difficiles ; il faut se lancer sans attendre la perfection.
  • La gestion de la peur, notamment celle du regard des autres, est essentielle pour réussir dans la prospection commerciale.

« Plus tu attends, plus c’est dur. Aujourd’hui surtout, le marché évolue à une vitesse pas possible, il faut juste en prendre un [train] puis voir si c’est le bon ou pas.”


La transcription de l’épisode

Enzo Colucci [00:00:00] J’ai peur de ne pas avoir peur.

L’étincelle RH [00:00:05] Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des DRH et des recruteurs. Que l’on ait 2 ou 20 ans d’expérience dans la fonction, les doutes subsistent, inhérents à la complexité de la nature humaine. A qui puis-je en parler ? Dois-je partager à ce sujet ? Où trouver les solutions ? Nous partons à la rencontre de DRH, RH, recruteurs et recruteuse qui se confient à notre micro et ont décidé d’affronter la peur de parler de ses peurs.

L’étincelle RH [00:00:34] Nous terminons aujourd’hui la saison 2023 avec Enzo. Commercial, formateur, entrepreneur, coach, podcasteur, prochainement écrivain… et pourtant flippé. Bonjour Enzo.

Enzo Colucci [00:00:48] Salut Etienne.

L’étincelle RH [00:00:49] Est-ce que tu peux nous expliquer cette peur, ou cette non peur ?

Enzo Colucci [00:00:52] Comment expliquer cette peur de ne pas avoir peur ? J’espère qu’on a un peu de temps devant nous. Je ne sais pas réellement d’où ça vient. Enfin si, je sais, ça part de l’éducation. J’ai été élevé par des femmes, par ma mère, ma grand mère, et de l’autre côté j’avais quand même une éducation assez stricte et assez dure du côté de mon père, avec mon grand père, qui sont des entrepreneurs dans l’âme qui se sont un peu fait tout seuls. Ma famille immigrée d’Italie de ce côté-là donc tu vois c’est le côté très « l’homme », « le macho » même pour stéréotyper un peu. Donc moi quand j’étais gosse, je n’avais pas le droit de pleurer, une éducation très dure, il faut se sortir les doigts, faut aller bosser… donc ça te construit. C’est un peu dur quand tu es gosse parce que tu sais pas ce que c’est que la vie, t’en prends plein la gueule en tant que mec. Mais ça a petit à petit fait son petit bonhomme de chemin je pense, dans mon subconscient, et puis après sont venues les premières expériences pro. Et puis ça fait dix ans que je me construis avec un parcours, que j’aime pas dire « atypique » je vais dire « riche », parce qu’il est vraiment diverse et varié. Mais il m’a permis de me construire en tant que personne accomplie, en tant qu’homme accompli, et aujourd’hui je pense avoir roulé ma bosse. J’ai encore plein de choses à apprendre, mais ça fait dix piges que j’ai l’impression de ne faire que croître en tout cas humainement et professionnellement. Et donc là j’arrive à un moment dans ma vie où je suis en plein dans mon ikigaï. Ceux qui ne connaissent pas le concept d’ikigaï c’est un concept japonais entre là où tu es bon, ce que tu aimes faire, là où il y a de la demande et là où ça paye. J’ai la chance d’être en plein dedans depuis moins d’un an. Je suis tellement épanoui que tout ce que tu peux mettre sur ma route aujourd’hui, je vois ça que comme des opportunités et pas des contraintes. Et donc en fait, d’un point de vue business j’entends, j’ai pas peur, j’ai peur de rien aujourd’hui dans le monde pro. J’ai peur à côté, on le disait avant en off, j’ai la peur du vide et je suis claustrophobe et j’ai peur de perdre mes proches le jour où ils devront partir. Voilà ce qui ce qui constitue mes peurs aujourd’hui.

L’étincelle RH [00:02:51] Si je réagis sur ce que tu dis au début justement, si on n’a pas le droit de pleurer ou autres, c’est « j’ai pas de peurs » ou « je m’interdis d’avoir des peurs » qui finalement est une espèce de carapace où il y a les peurs qui sont là, mais en fait j’y pense pas, je les évite parce que c’est comme ça que j’avance ?

Enzo Colucci [00:03:05] C’est une très bonne analyse. Au tout départ c’est ça, après avec le temps t’essaies de comprendre. Moi je vois une psy depuis un an et demi aussi qui me fait me poser les bonnes questions là-dessus. Mais au tout départ, c’est exactement ce que tu dis, c’est une carapace. C’est « ok j’ai pas peur, j’ai pas peur, j’ai pas peur, j’ai pas le droit », et donc tu te construis avec ça, mais tu sais pas trop pourquoi. C’est juste que tu te mets un peu des œillères. Et puis quand tu as la chance d’être épanoui dans ton taf, en tout cas d’avoir à chaque fois des expériences qui te font t’élever en tant que personne encore une fois, pas juste pro, bah ça t’amène à te poser de plus en plus ces bonnes questions là. Et donc en fait, tu ouvres un peu plus ton champ de vision et donc ces œillères t’as aussi envie de les retirer parce que tu te rends compte que c’est un peu un pansement sur une jambe de bois. Ça sert hein, c’est une vraie source de motivation, moi je l’ai vu tout au long de ma vie, de ma carrière, de m’empêcher d’avoir peur. Oui ça aide. Après, c’est ce que je viens de dire, c’est un peu un pansement sur une jambe de bois. Donc le jour où il y a le moindre doute ou la moindre fébrilité, finalement ça aide pas.

L’étincelle RH [00:04:06] Des fois la peur c’est ce qui permet aussi d’être attentif aux signaux faibles, de pouvoir évaluer la prise de risque. Toi tu dis « finalement non ça permet de prendre les risques sans poser de questions ». Mais est-ce que tu évalues bien chaque fois cette prise de risque et le mur qui peut arriver aussi parfois ?

Enzo Colucci [00:04:19] C’est une bonne question aussi. Bien évidemment, le risque tu l’évalues toujours, t’essayes de le minimiser. Après, moi je pense avoir toujours été plutôt entrepreneur dans l’âme, j’ai vu cette possibilité depuis tout jeune, puisque mon père et mon grand père sont entrepreneurs depuis toujours. Donc je me suis dit « ok cette voie là elle existe » et donc je l’ai toujours eue un peu au fond de moi. Donc quand tu es entrepreneur, on sait que les plus grands entrepreneurs sont ceux qui prennent des risques, aujourd’hui ceux qui gagnent beaucoup d’argent sont des gens qui risquent aussi une partie, tu vois, que ce soit des investissements dans des boites ou n’importe quoi. Donc le risque il s’évalue, mais à un moment donné il faut y aller quoi, t’as rien sans rien en réalité dans la vie. Donc si t’attends d’être plan plan et d’avoir absolument toutes les cases au vert, tu peux attendre toute ta vie et donc finalement tu rentres dans l’inaction, et il y a rien de pire que de pas passer à l’action. C’est pas comme ça qu’à mon avis ten apprends sur toi et que t’arrives à être encore plus successful en tout cas.

L’étincelle RH [00:05:09] Et donc là, quand tu décides par exemple cette année de te lancer à ton compte dans une nouvelle aventure, il n’y a aucune peur qui arrive à un moment donné ? Ou peut-être des doutes ?

Enzo Colucci [00:05:20] Je me suis mis dans une situation où, en tout cas, j’ai essayé de minimiser justement ce risque parce qu’en fait je suis parti là à mon compte depuis moins d’un an, mais en réalité j’étais entrepreneur quand j’avais une petite micro-entreprise en parallèle de mon CDI déjà avant. Donc si tu veux mon audience, mon pipe, en tout cas mes clients je les ai construit au fur et à mesure sans réels risques puisque du coup j’avais mon CDI avec mon fixe plus mon variable qui tombaient. J’avais une petite activité à côté, on s’entendait avec mon boss parce que j’étais toujours à surperformer donc je lui ai dit « moi j’ai besoin d’avoir cette petite partie, de pouvoir un peu faire ce que je veux à côté, mais ce ne sera jamais au détriment de mon CDI », qui est ce qui me rapporte le plus. C’est pour ça que j’ai pu construire petit à petit une certaine audience comme je disais. Donc quand je me suis lancé bah non, la peur elle est minime parce qu’en plus quand je me suis lancé j’avais déjà signé mes clients. Donc si tu veux j’avais déjà quasiment deux mois d’avance sur mon prévisionnel. Et puis en fait, je garde ces deux mois d’avance en permanence donc non le risque n’est pas trop là. J’ai eu peur, je dois l’avouer quand même, c’est au tout départ quand je me suis lancé, c’est de voir ce que j’étais capable de faire finalement tout seul, en terme de chiffre d’affaires et de rentrées d’argent. Et quand tu passes de quelque chose d’assez standard, mais plus parce que je gagnais déjà bien ma vie en CDI et là de voir ce que je suis capable de faire et de manière constante, oui il y a eu certaines semaines où pendant longtemps je dormais sur mon canapé tu vois, parce que je me dis « c’est pas possible, on va me retirer ce qui est en train de se passer je ne peux pas y croire, ça a l’air d’être trop facile ». Mais parce que je pense qu’avant ça j’avais justement mis les pièces où il fallait et j’avais construit un socle solide, et donc je ne pars pas de zéro, je ne suis pas en train de pivoter et de totalement switcher de carrière pro. Il y a une continuité dans tout ça en fait, donc c’est logique ce qui arrive.

L’étincelle RH [00:07:05] Et là, il y a sûrement des gens qui nous écoutent qui auraient envie de se lancer mais ont des peurs. Quels conseils tu leur donnes justement ? Parce que je suppose que c’est un travail, comme tu l’évoques, de longue haleine et il y a peut-être eu des peurs au démarrage de ton activité. Comment on arrive à passer ce stade là ? C’est quoi les conseils que tu donnes à quelqu’un qui se dit « moi en fait, ça fait dix ans que j’ai envie de me mettre à mon compte, mais en fait j’ai des peurs et en fait c’est les peurs qui me drivent ». Comment j’arrive à passer outre ?

Enzo Colucci [00:07:28] Je trouve que plus tu attends, plus c’est dur. Moi ce qui m’a permis aujourd’hui de me lancer facilement, c’est que j’ai déjà monté une boite. Moi, ma première expérience professionnelle, enfin deuxième on va dire, ça a été de monter ma boite. J’ai pas fait de master, j’ai monté une boite j’avais 22 ans. Et en fait je pense que le plus tôt tu te lances, le plus tôt tu comprends ce que tu es capable de faire.J’ai encore une fois une chance aujourd’hui, je viens d’avoir 30 ans, je suis pas marié et j’ai pas d’enfant. Ce qui fait la difficulté aujourd’hui je pense pour certaines personnes de se lancer, c’est le fait de se dire « bah moi j’ai un crédit sur le dos, j’ai deux gosses à la maison, je peux pas me permettre demain de faire zéro en fait ». Donc c’est là où c’est très dur et où je me sens pas légitime de dire à certaines personnes, parce que je ne vis pas leur quotidien. Ce qui me permettrait moi, de conseiller c’est : vois rujourd’hui quelles sont clairement toutes les dépenses que tu dois avoir aujourd’hui, combien tu dois faire de CA et après c’est des calculs. C’est une sorte de prévisionnel, sans rentrer dans un business plan ultra complexe. Aujourd’hui on a plus besoin de business plan pour se lancer réellement, enfin pas des trucs aussi complexes qu’on le faisait à l’époque. Tu regardes toutes tes dépenses, tu vois combien t’as besoin réellement aujourd’hui a minima pour vivre, du coup demain ton CA combien tu dois faire pour subvenir a minima là dedans. Ton offre du coup, tu dois déjà penser à étoffer ton offre. Ok, bon bah moi combien je vais me vendre ? Combien ça représente de clients ? Et en fait, si tu veux, on sous segmente tout ça et en fait on fait des sous objectifs à notre objectif qui est de dire « ok, je dois faire 30 000 par mois », je te dis n’importe quoi. Réellement, je dois vendre combien de presta ? Ca représente combien de calls ? Tu vois, on va on va sous catégoriser tout ça. Et j’ai envie de dire à un moment donné, faut arrêter de trop réfléchir. On a tendance tous à trop s’écouter dans la vie et si t’as déjà on va dire de base pas trop un mental à entreprendre et où t’as beaucoup de doutes sur toi, plus tu réfléchis, plus t’attends encore une fois que toutes les lumières soient au vert, plus tu laisses le train passer à un moment donné. Parce que aujourd’hui surtout, le marché évolue à une vitesse pas possible et il y a plein de trains qui passent à un moment donné, il faut juste en prendre un puis voir si c’est le bon ou pas. Et moi j’ai toujours cette notion là, c’est pour ça que je dis que j’ai pas peur, c’est que je me dis « et au pire quoi ? ». Cette fameuse phrase que je disais dans mon podcast « Phénix, l’échec mention très bien » et c’est cette phrase que je dis aussi en coaching c’est « qu’est-ce qui peut se passer ? Est-ce que tu vas mourir ? Est-ce que tout le monde va mourir ? ». Moi j’ai tendance à croire que tout le monde peut rebondir. Aujourd’hui il y a vraiment du business de partout. J’irais pas sur le sur le sujet d’un Emmanuel Macron qui dit « je traverse la rue, je trouve de l’emploi », mais en tout cas ceux qui ont envie de se sortir les doigts, ceux qui ont vraiment beaucoup d’envie, qui sont motivés, qui sont drivés par quelque chose, je pense que oui, eux pour le coup ils peuvent toujours trouver quelque chose, même si c’est peut-être pas momentanément la perfection, le job de rêve. Mais même si tu te foires dans ce que t’auras fait, il y a toujours une seconde chance, il y a toujours quelque chose de mieux qui t’attend après. Ce qui est important c’est de y aller à 100 %, d’avoir aucun regret. Et moi je me suis planté plein de fois avant pour avoir ce mental là aujourd’hui de me dire « j’ai plus peur ». C’est que je me suis planté quand j’ai monté ma boite à l’époque, je me suis foiré quand j’ai fait des choix aussi de boites, des choix de carrière, ça arrive en fait. La perfection n’existe pas et personne n’arrive à avoir une réussite linéaire et successful, même tous les plus grands de ce monde aujourd’hui. Personne sur terre. Donc il faut juste accepter l’échec. Moi ça m’a pris du temps, c’est grâce au podcast que j’ai et au livre que je suis en train d’écrire, où j’ai rencontré beaucoup de gens aussi qui ont vécu des choses extrêmement dures, des peines de cœur, prison, alcoolisme, surendettement, cancer ou autres, qui s’en sont sortis, qui aujourd’hui vivent une vie incroyable à leurs yeux en tout cas. Et je me dis « pourquoi pas moi ? » Pourquoi pas les autres surtout tu vois. C’est pour ça que j’ai voulu avoir ce podcast pour diffuser cette info.

L’étincelle RH [00:10:56] Donc arrêtons de nous prendre la tête. Si je résume.

Enzo Colucci [00:10:58] Ouais, arrêtons de trop réfléchir quoi. Minimisons le risque. Le risque, je te rejoins à 200 %, il faut se noter encore une fois combien on a besoin etc. Aujourd’hui et j’espère de plus en plus,  je vois beaucoup de potes qui entreprennent. Une rupture conventionnelle ça se négocie, tu vois ce que je veux dire ? Si t’as pas fait de la merde dans la boîte où t’es, si tu veux sortir proprement, une rupture conventionnelle ça s’explique. A partir du moment où ça ne fait pas huit ans que t’es dans la boîte et où tu peux coûter un énorme billet (et encore, je connais des potes qui ont très bien négocié ça aussi), tu t’assures un 18 mois avec un minimum de salaire. Et si encore une fois c’est si t’as vraiment envie, c’est pas juste « tiens, je me mets au chomdu et je branle rien pendant 18 mois ». C’est j’ai un vrai projet derrière, je m’assure déjà au moins mes 56 % de rentrées qui peut-être déjà m’aident à subvenir à 80 % de toutes les dépenses que je récitais avant, et j’ai un peu plus d’air, je peux aller chercher le supplément. Si on se parle de quelqu’un qui est marié avec des gosses, ça veut dire qu’il n’y a pas qu’un salaire qui rentre y a aussi le deuxième, comment on peut compenser ça aussi à deux. Donc tout ça c’est des calculs. Après c’est qu’est-ce qui te drive intérieurement tu vois. Est-ce que t’as vraiment envie de faire ça parce que tu sens que c’est un truc qui t’anime ? Et au pire des cas, si dans deux ans ça t’anime plus, t’as le droit et tu feras autre chose, tu vois.

L’étincelle RH [00:12:11] Si on revient justement sur le sujet des peurs aussi liées au métier, alors toi ton job c’est d’accompagner principalement les commerciaux, même si on est sur un podcast plutôt à tendance RH aujourd’hui, mais dans ce que tu observes sur les commerciaux que t’accompagnes, c’est quoi les plus grandes peurs autour du métier qui existent ?

Enzo Colucci [00:12:26] Les deux tiers de mes coaching c’est beaucoup sur de la prospection, notamment de la prospection téléphonique, donc la peur c’est la peur du regard des autres. Ça c’est au global. Et la peur de déranger, la peur du non, ça c’est ce qui drive les gens. Ils sont déjà à s’imaginer tous les scénarios les plus négatifs possibles, « mais imagine si ». Tu le vois le « et au pire quoi ? » ils me le retournent à chaque fois ! C’est « et si il me dit ça ? Et si je dis ça ? ». Je réponds « Eh garçon, il existe 36 000 scénarios, c’est un humain face à un humain ». Aujourd’hui tu vas prospecter justement des DRH ou des CTO ou je ne sais quoi, oui il y a des enjeux, une mission, une fiche qui est assez globale sur ce buyer persona, mais c’est un humain avant tout. Peut-être qu’Étienne il est totalement différent d’Enzo, pourtant ils ont le même poste. Donc arrête encore une fois de trop réfléchir et passe à l’action. Et c’est en passant à l’action qu’on va pouvoir après avoir suffisamment de datas sur comment t’as réagi, pourquoi t’as réagi comme ça, comment on s’améliore. C’est la peur du non la peur des plus gros commerciaux, la peur de déranger, et au global je pense de tout le monde pour avoir aussi côtoyé ça avec mon podcast, c’est la peur du regard des autres, vraiment. Mais quand tu fais ce taff de commercial tu dois le savoir en réalité, que tu vas te confronter à un autre humain. C’est pas juste « moi j’adore la relation client donc je vais faire commercial ». Bah non, ça suffit pas ça en fait.

L’étincelle RH [00:13:44] Et dans cette peur du non justement, c’est quoi les conseils que tu donnes pour affronter cette peur du non ?

Enzo Colucci [00:13:49] C’est l’intention, rappelle-toi pourquoi tu es là en fait. Déjà, qu’est-ce qui a fait que tu as choisi ce taff de commercial ? C’est quoi pour toi un ou une bonne commerciale ? Et qu’est-ce qui fait que tu es là aujourd’hui dans cette boite précisément pour laquelle du coup tu vas prospecter ou pour laquelle tu vas vendre un produit ou un service ? Qu’est-ce qui t’a motivé ? Qu’est-ce qui t’a drivé à venir ici ? C’est pas à moi de te le dire. Quand tu te lèves le matin c’est quoi ton intention ? Est-ce que t’as hâte qu’on soit déjà le soir pour aller te coucher ou est-ce que t’as envie de vivre pleinement ta vie tous les jours ? Je n’irai pas dans ce truc très inspirationnel, un peu à deux balles, « on a tant de minutes par jour, utilisez-les ». Bonça c’est cool moi j’aime bien ce genre de contenu, ça me drive, mais je ne veux pas juste pomper et le recracher. C’est juste ton intention, qu’elle est-elle ? Et ça, quand tu sais pourquoi t’appelles les gens, t’acceptes de recevoir un non, tu sais qu’encore une fois t’as des gens en face de toi ils ont une vie aussi, ils peuvent être mal lunés, tu sais pas. Si ça se trouve il y a quelqu’un dans la famille qui à ce moment là est à l’hôpital, ou le boss lui a passé un savon, ou il a pu s’embrouiller avec la personne qui manage en dessous de lui, il y a 36 milliards de scénarios encore une fois. Dès que tu prends conscience de ça, tu acceptes toutes les choses, et si ton intention est noble au départ, que tu es passionné par ce que tu fais, que tu passes à l’action, il peut que se passer des bonnes choses derrière. Et au pire des cas, ne pas prendre pour soi. Ca c’est aussi un des accords toltèques que moi j’adore, les quatre accords toltèques, que je conseille à ceux qui écoutent. L’un de ceux-là c’est justement « ne pas prendre pour soi ». Parce qu’aujourd’hui tu te mets dans le rôle du commercial, même si je n’aime pas dissocier le pro du perso, je trouve que ça fait partie intégrante de qui on est, mais tu vas déranger, ok. La personne elle t’envoie chier, bah elle tenvoie chier toi en tant que commercial à un instant T sur cette action, et remet pas en question la personne que tu es dans ton entièreté. Et c’est ça qu’il faut accepter aussi. Et donc plus tu accepteras ça, plus tu sauras pourquoi tu viens là, pourquoi tu fais les choses, plus ce sera facile d’accepter le non.

L’étincelle RH [00:15:39] Dans cette acceptation du non, tu accompagnes aussi pas mal de structures dont leurs cibles sont les DRH pour la prospection. On sait que les DRH, comme beaucoup, ils sont sur-sollicités avec plus d’une dizaine d’appels par jour. C’est quoi les conseils pour justement quand tu accompagnes les commerciaux, gérer ce fameux non de la population RH ? Est-ce qu’il y a des conseils complémentaires ou c’est les mêmes que pour toutes les populations ?

Enzo Colucci [00:15:59] Pour moi c’est les mêmes parce que ça reste un humain en face et pour moi un DRH n’est pas plus sollicité aujourd’hui qu’un autre buyer personna. Pas plus qu’un CMO, encore moins qu’un CEO. Le dirigeant, moi pour coacher toutes les boites et quand je leur demande qui vous qui vous chassez, le CEO, le DG, il revient tout le temps parce que c’est le big boss et qu’on se dit je vois le décisionnaire. Donc lui pour le coup il est, je ne vais pas dire harcelé, mais en tout cas il est sur-sollicité. Les DRH le sont aussi, mais moi je pense qu’en tout cas l’approche que j’essaie moi de transmettre dans les coaching, c’est une approche tournée vers l’humain. Humain, transparent, honnête, pragmatique aussi parce qu’on est là pour faire du business. Et donc encore une fois je sais pourquoi j’appelle, je sais qui j’ai eu déjà, je sais avec quel client je bosse, je démontre à la personne que c’est pas un hasard si aujourd’hui je viens la chercher et je viens la prospecter. C’est pour qu’on puisse bosser ensemble pour telle ou telle telle raison, et donc j’essaie d’amener beaucoup de choses factuelles. Et c’est ça, je pense aujourd’hui qu’on a besoin de ressentir. Quand je me fais moi aussi prospecter par téléphone, moi ça me fait marrer forcément, mais je challenge un peu pour voir ce qui se cache. Est-ce que juste t’es là à lire un script et tu sais pas pourquoi encore une fois tu m’appelles, et là on ne va pas s’entendre. En tout cas, moi je vais challenger, je ne vais pas être très sympa exprès, ou je sens qu’il y en a sous le pied et auquel cas parfois tu récompenses. Mais moi j’aime bien dire qu’aujourd’hui on aime prendre du temps pour des gens qui sont experts dans leur domaine, parce on est là avant tout pour faire du business, et qui sont sympa. Et si on arrive à dégager ça au téléphone ou en meeting, globalement c’est goal. Quelqu’un qui maîtrise super bien son sujet, qu’il est vraiment là pour répondre à un besoin et qui en plus de ça est sympa, moi je veux faire du business qu’avec des gens comme ça.

L’étincelle RH [00:17:39] Mais je peux réussir en deux minutes à accrocher un DRH en lui démontrant tout ce que tu viens d’évoquer ?

Enzo Colucci [00:17:44] Oui, c’est possible avec une méthode que moi j’ai réappropriée au cold call notamment, qui est plutôt une méthode de copywriting avec AIDA. Donc Amorce, Intérêt, Désir, Action. D’ailleurs c’est pas « amorce » c’est « attention » mais moi je l’ai repris avec « amorce » ou « accroche », ça dépend. L’accroche doit être très directe je trouve. On respecte le temps de la personne qu’on a en face, on sait qu’on va déranger, on le dit, on ne pose pas de questions. L’idée c’est pas de lui poser une question maintenant, sinon la personne va potentiellement prendre la porte. Et tout de suite derrière dans justement l’Intérêt et le Désir, c’est lui montrer avec qui on bosse déjà, lui montrer la valeur ajoutée qu’on a et parler en bénéfice. Je parle pas en étant autocentré, « bonjour moi je suis Enzo, je suis coach de vente, ça fait dix ans que je fais ça blablabla », j’en ai rien à foutre de toi. L’idée c’est plutôt parle moi de lui, parle moi donc du prospect et dis lui ce que tu lui apporte factuellement, met en avant ce que tu lui proposes et avec qui tu le fais déjà avec un ou deux petits chiffres. Et encore une fois l’idée c’est de prendre rendez vous, ce n’est pas de s’éterniser pendant dix minutes, la personne elle est sur-sollicitée comme tu l’as dit, on la dérange parce qu’elle fait autre chose, elle ne s’attend pas à notre appel, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas définir un temps de 15-20 minutes en visio pour en parler. Si encore une fois c’est bien amené et avec le bon ton. On n’a pas parlé de ça mais le ton, la voix qui fluctue, on a besoin de sentir qu’on a un humain derrière, pas un robot, pas quelqu’un d’une arnaque de CPF ou pas un call center pourri de telecom à l’autre bout de la terre. Parce que ça on a été trop démarché sur du B2C. Mais donc en fait, on fait le parallèle B2C – B2B. Et moi j’essaie d’enseigner ça différemment aujourd’hui.

L’étincelle RH [00:19:16] On parle beaucoup du lien entre les fonctions marketing et la fonction RH. Quels sont les liens que tu fais entre la fonction commerciale et la fonction RH ? Si on revient sur le cœur de notre public.

Enzo Colucci [00:19:27] Le parallèle tu veux dire entre un commercial et un RH ? C’est drôle ce que moi je bosse de plus en plus avec des cabinets RH, et les RH pour moi sont un peu l’archétype du commercial en réalité. Quelqu’un qui bosse en RH pour moi est commercial puisqu’en fait il vend trois fois. En réalité il vend à un candidat, il vend à un client et il vend une troisième fois pour que les deux matchent. Donc, il y a ce même effort là. Il y a du sourcing en amont, il y a aller chercher, remplir un vivier de candidats, remplir un vivier de clients parce que du coup c’est aussi un chien qui se mord la queue. Il faut avoir des gens à staffer et à la fois des missions à trouver. Donc pour moi on peut pas faire plus commercial qu’un RH. Du coup ce qui est cool à la fois dans le RH, c’est que la pierre angulaire de tout ça c’est l’humain justement. J’ai envie d’aider quelqu’un qui est déjà en poste ou qui ne trouve pas de taff à trouver et à fitter avec une mission de quelqu’un qui est dans un besoin lui de recrutement pour générer du coup de la croissance. En vrai je trouve que la mission elle est top. Pour avoir aussi mon meilleur pote qui bosse en chasse de têtes, donc qui m’a fait comprendre aussi tout ça depuis huit ans, je me suis dit mais en fait c’est génial ! Et lui c’est un des meilleurs commerciaux que je connaisse réellement. Donc il y a la même chose, il y a de la négociation, il y a une phase de découverte, que ce soit chez le client ou autre, c’est de la vente pour moi. C’est juste que, encore une fois, ce que tu vends c’est de l’humain. Et moi j’aime pas ces termes-là, il y en a qui rigolent un peu sur les RH : « moi je vends de l’humain », « moi je suis esclavagiste » ou autre et je trouve ça absolument infâme parce qu’en réalité justement je prône le commercial d’un point de vue très noble et éthique. Il y a un besoin, je vais y répondre. Il y a quelqu’un, je veux l’aider en fait. Et avec ces valeurs de sympathie, de transparence, d’honnêteté, quitte à ne pas négocier. Moi parfois je me mets en péril avec des clients où je leur dis tout de suite « là, je vais à contre courant de ce que j’enseigne à tes gars dans ma négo, je devrais commencer beaucoup plus haut avec toi, sauf qu’en fait on n’a pas le temps et je t’aime bien et je veux qu’on aille droit au but et donc je veux qu’on évite tous ces trucs de ah ah tiens, on coupe la poire en deux ou bien je te fais une bête d’offre » tu vois.

L’étincelle RH [00:21:30] Ça c’est une technique pour pas négocier.

Enzo Colucci [00:21:31] Oui, mais parce que du coup tu veux pas négo. Après ça dépend de plein de choses, tu veux aller vite dans la mission. Après des fois où je négocie pas mon prix je négocie pas mon prix tu vois. Mais je veux dire par là que c’est plus les valeurs d’honnêteté, de transparence et de dire pourquoi, pourquoi je veux pas ça, etc. Bref je dévie un peu excuse-moi, ça c’est mon cerveau, à chaque fois je prends un truc et il m’emmène ailleurs. Mais le RH pour moi c’est un super commercial, il faut juste que les gens en prennent conscience. Et c’est pas parce que t’as de l’humain au milieu que tu peux pas être commercial, à toi de rendre encore une fois ton taff noble et cool. C’est toi, c’est ton intention qui fait que t’es là aujourd’hui. Commercial, c’est pas juste vendre des téléphones ou vendre des solutions SAS ou je ne sais quoi, pas du tout. En tout cas il y a les mêmes méthodes, si tu veux pas t’appeler « commercial » ne t’appelle pas « commercial », appelle toi « consultant RH » ou autre. In fine, tu vends.

L’étincelle RH [00:22:21] Si je reviens à notre sujet qui était les peurs, tu évoquais que tu sors un livre sur les échecs, est-ce que t’as peur inavouée finalement c’est la peur de l’échec ?

Enzo Colucci [00:22:32] Fut un temps peut-être, c’est vrai. Il y a longtemps,il y a dix ans, moi j’avais enchaîné les différents échecs. C’est ce qui m’a amené à faire ce podcast et maintenant ce livre. Premier échec scolaire, un peu comme tout le monde. J’ai toujours été bon à l’école, mais à un moment donné  il a fallu que je redoute parce que j’étais à fond dans le sport, j’étais sportif de haut niveau et je voulais faire un choix. Le choix a pas été le bon. Donc je me suis un peu recentré sur les études. J’ai redoublé une deuxième fois parce que mes études supérieures ça a été HEC en Suisse et ça ne m’a pas plu du tout et donc j’ai pris deux ans de retard. A ce moment-là je me suis dit « qu’est-ce que je vais foutre de ma vie ? », j’avais aucune idée, je ne savais pas ce qui me drivait. La pression, parce que tu as 20 ans, cet âge il est hyper batard entre 20-25 où t’es encore à trouver des études, tu sais pas pourquoi tu fais des études, on te dit que ça sert à rien, d’autres on te dit que oui… Et donc oui à un moment donné j’ai eu peur de me dire « qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? ». Et qu’est-ce qui m’a permis du coup de contrebalancer ça eh bien c’est l’action. Le truc en revanche c’est que j’avais toujours cette voie intérieure, j’ai commencé par ça en parlant de mon éducation, où quand j’ai arrêté HEC il m’est arrivé plein de trucs. J’ai eu un décès dans la famille, j’ai perdu mon permis pour alcool au volant, tout en une semaine. C’était dramatique, c’était vraiment une semaine noire pour moi. C’est février 2013 et j’ai voulu tout de suite remonter en selle en me disant mes parents moi m’ont payé un loyer là pour le restant de mon année en Suisse, il faut que je trouve du taff. Et je suis tombé par hasard sur un truc qui était le seul qui m’avait pris. Gaumont pathé m’avait pas pris, McDo m’avait pas pris parce qu’en Suisse trouver du taff quand t’es pas suisse c’est très dur. Et il y a un truc qui me prend, et je me retrouve dans la meilleure école de vente sur terre pour moi, qui fait qui je suis aujourd’hui et qui me permet d’être bon, en tous cas qui a lancé ma carrière, c’est de vendre des associations dans la rue. Et en fait, tu vois, le fait de me lancer là-dedans, ça m’a fait gagner confiance en moi de manière incroyable, de n’en avoir rien à foutre du regard des autres parce que mon but c’est d’arrêter des gens dans la rue, de les peecher, de leur vendre en one shot une asso et qu’ils repartent avec le sourire. J’étais le meilleur vendeur de Suisse, pour la première fois de ma vie j’étais top performer ailleurs que dans le sport. Donc je me suis dit « ok, putain, il y a peut-être un truc ». J’ai repris des études, j’étais major de promo parce que je savais pourquoi maintenant j’étais venu dans les études que j’allais faire pendant les deux prochaines années et ça a relancé ma vie à ce moment-là. Sinon j’étais au fond du gouffre à 20 ans en me disant « mais qu’est ce que je vais foutre ? ». Donc oui cette peur de l’échec, elle était là, et puis au fur et à mesure elle s’est estompée avec la mise en action, la patience. Je suis le mec le plus impatient sur terre attention, mais parce que je savais qu’il fallait un petit peu attendre que les choses se décantent, on ne peut pas tout avoir comme ça en instantané. Mais c’est la mise en mouvement, tout le temps c’est ce que je conseille aux gens. C’est ce que je conseille aussi dans le bouquin qu’on va écrire, c’est ce que j’appelle « le temps du rebond. Il est plus ou moins rapide chez les gens, en fonction de ton niveau, de ton degré d’émotivité ou autre, de ton éducation, de plein de choses. Mais il dépend de deux choses : c’est la mise en mouvement fois le temps en fait. Et le temps il est différent chez tout le monde. Par contre cette métrique ça doit être intangible, tu vois sur le mouvement que tu dois avoir en permanence. C’est ça qui t’empêche d’avoir peur un jour.

L’étincelle RH [00:25:25] Et si tu creuses ce sujet de l’échelle, que tu évoques, ton objectif c’est quoi ? C’est essayer de mieux comprendre cette capacité qu’on a chacun à surmonter les échecs ? C’est quoi l’objectif de ton livre dans ce que tu écris et ce que tu veux partager ?

Enzo Colucci [00:25:37] L’objectif du livre, c’est une continuité du podcast que j’avais créé au tout départ en me disant « c’est un truc qui m’est arrivé dans plein de sujets : peines de cœur, entrepreneuriat, sport scolaire… Bref, je ne suis pas le seul à vivre ça ». Donc je voulais donner la parole à 50 personnes dans des sujets totalement différents. Donc je te disais cancer, peine de cœur, alcoolisme, prison, foirer sa boîte… il y a eu plein de sujets à chaque fois différents et l’idée c’était de montrer aux gens qu’on vit tous des périodes compliquées, des périodes de merde dans nos vies. Y a qu’un truc pour lequel on se relève jamais, c’est la mort. Parce que j’ai eu des gens qui ont vécu genre leucémie, cancer et qui en sont revenus. C’est pas le cas de tout le monde mais ça existe. Et quand tu vois ces gens-là, même si j’aime pas dire qu’il y a des comparaisons en matière d’échecs parce que je mets des guillemets, car avoir un cancer c’est pas un échec, mais en tout cas c’est une période douloureuse. Bah écoute eux s’en sortent, pourquoi pas toi ? Et c’est ça que je voulais véhiculer comme message avec le podcast, et une maison d’édition est venue me signer, les éditions Eyrolles, en me disant on veut que tu écrives un bouquin là-dessus. J’ai dit « Bah go ! » parce que moi aujourd’hui ma mission c’est pas de faire l’oseille je te rassure, je le dis tout de suite en toute transparence on gagne 1,50 €bruts par bouquin vendu, on est trois dessus, ça fait 0,50 €. Autant te dire que ce n’est pas comme ça qu’on va devenir millionnaire, c’est vraiment pas pour l’oseille que tu lances un bouquin. Non, c’est plutôt pour aider un max de personnes, parce que je pense que le livre il prend un angle vraiment intéressant. Moi j’ai envie de faire quelque chose de très populaire. Tu vois, il y a un très bon bouquin qui est sorti sur le même sujet qui s’appelle « Les vertus de l’échec » de Charles Pépin, qui lui est un philosophe donc il attaque ça sous l’angle de l’allégorie de la caverne tu sais. C’est hyper intéressant attention, mais je pense que tout le monde se retrouve pas dedans, et puis après les gens qui trouvent c’est Roger Federer, Nadal, Steve Jobs, on les a vus, revus et rerevus. Moi j’ai envie de dire « bah tiens c’est Etienne en fait, qui un jour a planté sa boîte pour telle ou telle raison ». Le but c’est aussi de pouvoir s’identifier, de rendre l’échec permissible et de donner envie aux gens de tenter des choses et de se dire « c’est pas grave si tu n’y arrives pas, il y en a d’autres qui ont essayé et qui n’ont pas réussi, et pourtant ils sont pas moins heureux aujourd’hui ».

L’étincelle RH [00:27:45] Quand tu parles de rendre l’échec permissible, aujourd’hui pour toi on s’autorise pas assez à échouer ?

Enzo Colucci [00:27:49] Complètement, surtout en France. Je veux jamais faire non plus « le fanboy des ricains » parce qu’il y a plein de choses à prendre et à laisser là-dedans attention, mais eux sont beaucoup plus décomplexés, en tout cas du point de vue de l’échec. Dans la Silicon Valley c’est vraiment le truc qu’on dit tous « si t’as pas déjà planté une boîte, tu lèveras jamais d’oseille en réalité ». Les mecs ont envie de savoir que tu t’es planté avant de te donner 1 €. Ben en fait en France le truc c’est qu’on est tellement dans la quête de réussite qu’on en oublie que réussir c’est aussi… Tu vois réussite et échecs sont les deux faces d’une seule et même pièce. Donc l’un ne va pas sans l’autre. Comme je disais tout à l’heure la réussite linéaire ça n’existe pas, et on ne se donne pas assez le droit parce qu’en France on juge beaucoup trop les gens, on juge beaucoup trop les gens à leur apparence, à la couverture et on attache trop d’importance à des choses parfois un peu trop futiles et on ne va pas assez dans le vif du sujet. Il y a trop de tabous en France sur l’échec, sur l’argent, et c’est des choses qui freinent dans la vie. Donc les gens se posent des questions mais n’ont pas de réponse et c’est pas la société qui, je trouve, te les donne. Heureusement ça évolue de plus en plus et on est vachement content, mais il y a toujours ce truc-là au fond. T’oses pas trop dire quand tu rates, t’oses pas trop dire, t’oses pas trop l’avouer. Moi j’avoue tout, j’ai aucun tabou dans ma vie, même les trucs les plus dégueulasses que j’ai pu faire, je n’ai pas de honte à le dire parce que je suis humain en fait. Je ne suis pas parfait et personne sur terre n’est parfait. Et dès que t’arrives à accepter cette part de toi, ben ouais, les peurs, il y en a plus trop.

L’étincelle RH [00:29:17] Et pour toi la fonction RH, si je reviens à la cible du podcast, est-ce qu’elle a un rôle à jouer dans les entreprises, les organisations sur ce sujet de l’échec, de la peur, de l’erreur ?

Enzo Colucci [00:29:27] Oui complètement, parce qu’en ressources humaines y’a « humaine » dedans. Et puis c’est quand même être un peu le pôle qui est censé aider toutes les personnes parce que tu passes par les RH pour valider globalement ton recrutement. Enfin parfois dans les boites on sait que ça peut aller plus vite, mais en tout cas c’est ce pôle-là qui a cette responsabilité, avec les managers de pôle aussi, c’est pas que le RH qui va avec son épée réussir à tout changer, il faut que les manageurs des pôles en question épaulent aussi les RH. Donc est-ce que ça doit venir des RH ? En tout cas les RH ont un rôle à jouer, pour moi, c’est une certitude. Et après c’est les managers. Moi je vois le point noir si je puis dire dans les boites aujourd’hui c’est plus les managers au global, il y a un vrai manque à ce niveau-là. Manager c’est un taff à part entière et souvent en fait, on fait monter à ces postes des gens qui sont soit top performeurs, ou en tout cas il y a cette fausse méritocratie qui rentre en jeu et finalement c’est pas des gens qui savent driver des équipes, qui ont pas le lead. C’est eux qui doivent à mon avis porter d’abord la parole et dire à leurs équipes « c’est pas grave si tu foires », et être soutenu par les RH ou dans l’autre sens, mais en tout cas les RH seuls n’y arriveront pas si les managers ont pas envie de faire l’effort.

L’étincelle RH [00:30:42] Pour conclure notre podcast, si tu devais donner un conseil ou un mot à ces managers, ces dirigeants d’entreprise, pour que les choses évoluent dans le bon sens sur ces sujets, qu’est-ce que tu leur dirais ?

Enzo Colucci [00:30:52] Hmmm c’est une bonne question ça. Qu’est-ce que je peux dire ? C’est dur parce qu’on est tellement drivé par la croissance, par le pognon aujourd’hui que je pense qu’on est aveuglé par plein de choses et en fait on délaisse un petit peu trop l’humain. Mais écouter pleinement les équipes. Ca veut pas dire qu’il faut trop écouter, on le disait tout à l’heure, ne pas trop s’écouter soi même, mais si t’as tout le temps des gens qui chouinent dans ton équipe, pour avoir été manager, c’est chiant. Si par contre ces gens-là font le taff, c’est autre chose, faut peut-être plus les écouter. Ceux qui font pas le taff et qui chouinent, bon eux ok on peut peut-être considérer ça différemment, mais faut arrêter de se mettre des œillères. Il faut arrêter de se mettre des œillères parce qu’on le voit aujourd’hui, t’es très bien placé pour le savoir aussi, c’est de plus en plus compliqué de recruter. En tout cas moi je vois sur les sales, la rétention des talents c’est un vrai sujet parce que tout le monde se barre, donc faut pas s’étonner en fait derrière, c’est pas juste la conjoncture qui fait que les gens se cassent. C’est qu’en fait ta culture d’entreprise elle est peut-être à chier, ou peut-être que tes managers du coup sont pas suffisamment bons parce qu’ils en ont rien à foutre de leurs équipes et qu’ils sont là que pour leurs résultats à eux et qu’ils sont déjà à regarder le poste d’après qu’ils vont pouvoir avoir. Donc je fais une mauvaise généralité attention,parce qu’il y a des gens incroyables, heureusement j’en côtoie plein. Mais je m’évade encore du coup… mais je n’ai pas de conseil particulier, c’est « Venez, on se recentre un peu plus sur l’humain, on essaye de faire les choses pour garder vraiment les gens quoi ». Et tolérer que quelqu’un reste douze mois parce que c’est le cycle de vie classique de ce poste-là je trouve que c’est pas entendable en fait. Si tu ne fais pas tout pour garder tes bons éléments, te plains pas derrière en fait que t’as des galères à faire de la croissance et t’auras beau changer tout le temps de manager ou autre, si la pomme elle est pourrie à la base, elle est pourrie.

L’étincelle RH [00:32:38] Merci.

Enzo Colucci [00:32:38] De rien Etienne !

L’étincelle RH [00:32:44] Merci d’avoir écouté Bande de Flippés. Un podcast imaginé et produit par L’étincelle RH en partenariat avec myRHline. Si vous avez des remarques, des suggestions ou si vous voulez partager vos peurs, n’hésitez pas à envoyer un message sur LinkedIn à Etienne Ageneau ou Christophe Patte. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh.